En 10 ans, Yael Naim a vendu plus d'un million d'albums à travers le monde en compagnie de son binôme artistique David Donatien ; joué dans plus de 14 pays différents, collaboré avec Stromae, Brad Mehldau, Françoise Hardy ou Yoann Bourgeois. Il y a quelques mois Yael a entamé l'écriture de nouvelles chansons. Des chansons fragiles et intimes, écrites & composées seule, de nuit. Le 5 décembre, Yael Naim, accompagnée d'un choeur exceptionnel, dévoilera sur la scène du Théâtre du Rond Point ces nouvelles chansons pour la première fois, en préambule d'un album à paraître en février 2020.
« Ferme les yeux, écoute ton cœur battre… », ainsi débute le premier album en solitaire de Yael Naim. Solitaire parce qu’il fut écrit et réalisé sans l’alter-ego de toujours, David Donatien, comme on s’octroie une chambre à soi, un moment d’isolement sans rompre nul lien, ni artistique ni amoureux, après quinze ans à ne faire qu’un seul. Songs from a room existait déjà par la grâce de Leonard Cohen, alors ce sera Nightsongs. Assurément un disque de songes, de chan-songes, de mélodies surprises par la nuit, un disque de cœur qui bat et de chœurs fantômes qui lui répondent en écho. « J’ai senti que j’avais d’autres types de chansons en moi et je voulais vraiment voir si ça fonctionnait », dit Yael pour expliquer cette échappée, et ces envies nées au bord de la quarantaine, durant une période intense de turbulences personnelles dont ces chansons magnétiques seraient aussi le refuge, le baume apaisant et l’exorcisme. Après les grandes étreintes chaleureuses et le chant emporté de Older, le précédent album avec David, ce nouveau chapitre plus intime s’écrirait donc avec retenue, au féminin sans pluriel, à la nuit tombée, ce qui n’interdit ni la séduction ni l’incandescence, bien au contraire, tout ici resplendissant d’une lumière inédite qui est peut-être bien celle des renaissances. La disparition de son père adoré, Daniel, au milieu de l’enregistrement, comme l’arrivée d’un deuxième enfant, auront fourni à Yael l’encre délicate et cette calligraphie émotionnelle en montagnes russes qui rend ces chansons douces si trompeuses, tantôt fausses berceuses au cœur inconsolé, en « miettes », tantôt chants d’amour éperdus sous des instruments qui résonnent comme des pluies d’étoiles. « Au départ c’était un peu étrange. J’ai prévenu tout le monde que ce serait un projet bis, où je voulais juste me retrouver face à moi-même, fermer la porte et voir si quelque chose se produisait. Lorsque personne ne vous observe, vous pouvez faire des choses d’ordinaire non permises. En écrivant la nuit, c’était un peu comme si j’étais quelqu’un d’autre. Beaucoup de chansons ont été écrites pour parler directement à l’oreille de l’auditeur, un peu comme si on se murmurait des choses dans l’obscurité et qu’une explosion de musique se produisait soudainement. » Seule, Yael Naim se laisse aussi aller à chanter en français (Des trous), ou à mélanger français et anglais pour n’en faire qu’une seule langue (How will I know, Miettes) qui est sans doute celle des heures grises et des rêves intranquilles. Ses albums écrits avec David Donatien transpirent d’une sérénité conjugale qu’accompagnent souvent des arrangements pop de haute voltige et une quiétude folk rassurante. Livrée à elle-même, sa voix plus à nue que jamais, Yael se joue du danger avec cet étrange délice qui nait du vertige, rattrapée quand il faut par une chorale, l’Ensemble Zene (« Musique » en Hongrois) qui ont été seuls autorisés à pénétrer dans l’univers jalousement replié de ces Nightsongs. Qui mieux que ce chœur, spécialisé dans le Baroque, créé il y a six ans par chanteur franco-hongrois Bruno Kele-Beaujard, pour répondre en canon aux clavecins féériques de She, accompagner la pureté voluptueuse de Back ou apporter un contrepoint luminescent à Shine ? Car il s’en passe de belles pendant les nuits de Yael Naim, cette musique de chambre capitonnée étant paradoxalement plus aérée et libre qu’aucune autre, ne répondant qu’à ses élans passionnés (My sweetheart, où la chorale s’exprime cette fois à pleins poumons) et à ses émois chahutés. On attendait sans doute de Yael un album solitaire uniquement fait de guitares monacales et de pianos contrits, c’est tout l’inverse qui s’offre à nous : une puissante farandole sensorielle, un tourbillon d’extases au ralenti (l’impressionnant Familiar, toujours avec le chœur Zene), une voute céleste de sons perlés qui semble abriter le plus précieux des secrets. La nuit étant le lieu de toutes les illusions, n’attendons pas ici des repères balisés mais une exploration de tous les faux-semblants que permet la rêverie : des guitares qui sonnent comme des harpes, d’orgueilleuses polyphonies déroutantes (Watching you), des claviers qui ressemblent à des orchestres et des effets miroirs qui démultiplient l’amazone solitaire en une armée d’ombres en feux-follets. L’album s’achève sur un inventaire, A bit of, qui d’une voix ébréchée résume un peu de tout ce qui constitue l’âme, la beauté et l’inspiration de ces douze « chansons de nuit » : La peur, les larmes, la magie, la chaleur, la culpabilité, les rêves, les rires, la confiance, la souffrance… « C’est sans doute un disque plus sombre que Older, confie Yael, mais j’aime l’obscurité, il y a des lumières qui naissent de ténèbres et des musiques qui ne peuvent être écoutées qu’en silence. » Le cœur battant et les yeux grands fermés.