Photo: Mathias Clamer
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Photo: Melchior

Freddy Koella

Peu connu du grand public, Freddy Koella  est  pourtant depuis dix ans parmi les guitaristes les plus sollicités en France et aux Etats-Unis. Des artistes aussi divers que Willy Deville, Bob Dylan, Lhasa, Zachary Richard, Dick Annegarn, Carla Bruni et Francis Cabrel ont fait appel à  ses talents, chacun trouvant son bonheur dans sa guitare: fluidité, désir, invention, poésie... Certains y ont même déniché de l’or, comme  dans les années 80 quand Freddy faisait partie du groupe français Cookie Dingler qui décrocha un gigantesque tube avec "Femme Libérée".

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Undone

Peu connu du grand public, Freddy Koella  est  pourtant depuis dix ans parmi les guitaristes les plus sollicités en France et aux Etats-Unis. Des artistes aussi divers que Willy Deville, Bob Dylan, Lhasa, Zachary Richard, Dick Annegarn, Carla Bruni et Francis Cabrel ont fait appel à  ses talents que ce soit en studio ou sur scène, chacun trouvant son bonheur dans sa guitare: fluidité, désir, invention, poésie... Certains y ont même déniché de l’or, comme  dans les années 80 quand Freddy faisait partie du groupe français Cookie Dingler qui décrocha un gigantesque tube avec Femme Libérée, vendu à plus d’un million d’exemplaires. S’il assume aujourd’hui sans réticence  cette lointaine péripétie, c’est qu’il a depuis vécu nombre d’expériences autrement riches sur le plan artistique, que ce soit dans le sillage des artistes déjà cités ou en solo. Sur Undone, son second album instrumental, celui qui se tient  habituellement dans l’ombre des têtes d’affiche nous révèle l’intimité de son univers musical, « son jardin secret » comme il dit. En dix morceaux, aussi épurés qu’enchanteurs, il nous invite à le suivre dans une suite de rêveries à la croisée du blues, du folk, du jazz, de la musique minimaliste, hors des sentiers battus et hors du temps.

Né en 1958 à Mulhouse, Freddy a passé son enfance en Alsace. Avec un père mélomane aussi éclairé qu’éclectique, féru de Bach et de ragas indiens, et une mère pianiste amateur, la musique a occupé très tôt une place de choix dans sa vie. A 12 ans, il commence à étudier la guitare classique mais n’y trouvant pas vraiment son compte. Deux ans plus tard, sur le chemin du retour de vacances passées à traverser la Roumanie dans la R 16 familiale, son père lui offre un violon. Freddy se consacre à son étude pendant 5 ans et réussit son examen d’entrée au conservatoire de Strasbourg, avant de renoncer brusquement. C’est qu’entre temps, sa sœur aînée lui a fait découvrir des disques de blues ramenés du lycée dont les pochettes révèlent des musiciens aux visages saisissants et aux noms énigmatiques comme Big Bill Bronzy et Lightnin’Hopkins. « Le blues a changé mes priorités. Du jour au lendemain, j’ai mis des cordes en acier à ma guitare classique. Je me suis acheté un petit ampli. J’ai laissé tomber mes études de musique. J’étais complètement envoûté. Mes parents étaient perdus. » Il apprend à jouer le blues à l’oreille, se passant en boucle les disques sur un pick up. Hendrix, Led Zeppelin, les Stones viennent grossir sa passion, qui désormais a la dimension d’un fleuve en crue, emportant tout sur son passage. A 18 ans, il abandonne la famille, le lycée et loue une maison avec des amis musiciens. Son groupe, Virginie, ne donne que trois concerts, assez pour lui faire entrevoir la possibilité d’un gagne pain. Il va d’abord jouer dans des orchestres de bal avant de réaliser un rêve en partant pour la Nouvelle Orléans.
Il y séjournera un an, jouant du violon et de la guitare aux côtés du musicien cajun Zachary Richard, écumant les clubs entre Texas et Mississipi. Quand la routine s’installe, il rentre en France où l’attend un groupe d’anciens copains, Cookie Dingler. De 1985 à 1987, Freddy vit sous les feux de la rampe grâce au succès de Femme Libérée. Puis le groupe se sépare et tout s’éteint. « Je ne voulais pas retourner faire du balloche. Comme je suis un peu bricoleur, je me suis mis à arranger des appartements pour des amis dans la région de Mulhouse, à poncer des parquets, à faire de la peinture. J’avais tourné la page.» 

C’est le luthier James Trussart qui va le remettre en scelle. Sachant Willy Deville en quête d’un nouveau guitariste, il le branche sur  son ami français. Freddy va accompagner Deville pendant 12 ans et enregistrer avec lui certains de ses meilleurs albums dont Victory Mixture en 1990. Au moment où  sa collaboration avec Deville touche à sa fin, Trussart se montre à nouveau décisif en le mettant sur la piste d’un autre géant, Bob Dylan, lui aussi à la recherche d’un guitariste. En 2004, Freddy part en tournée avec cette légende vivante de la musique américaine. « Ca n’a duré qu’un an mais je n’ai eu que du bon avec lui. Musicalement nous avons le même goût. Lui cherchait à échapper à la routine, à se divertir avec des morceaux qu’il traîne depuis des décennies, et moi j’étais son nouvel instrument. » L’aventure aurait pu continuer sans une défaillance rénale obligeant Freddy à rester immobilisé pendant plusieurs mois. C’est au cours de sa convalescence qu’il compose les morceaux de son premier album solo dont l’approche est résumée dans le titre : Minimal. Enregistré seul à la guitare acoustique chez lui à Los Angeles, ce disque instrumental  fait la somme de moments où le musicien  laisse ses doigts librement caresser le manche, où il  profite de ces petits accidents qui finissent par composer un thème ou dessiner une mélodie. L’album agit sur lui comme une thérapie, et fait aussi un bien énorme à sa réputation. « Après l’avoir écouté, beaucoup de gens sont entrés en contact avec moi comme Carla Bruni, K.D. Lang ou Lhasa. »  En 2008, Freddy participe à Montréal à ce qui sera le dernier enregistrement de la chanteuse américano-mexicaine. «  On allait elle et moi à pied de son domicile jusqu’au studio en pleine tempête de neige, le bras devant nos figures pour se protéger du vent et du froid. C’est un souvenir en or. »

Ce souvenir de Lhasa, disparue le 1er Janvier 2010, lui a inspiré Snow, titre à la mélancolie floconneuse qui figure sur Undone. Enregistré en une journée au Studio Sunset Sound à Los Angeles, avec sur plusieurs morceaux la participation du contrebassiste David Piltch et du batteur Jay Bellerose, ce second album prolonge les rêveries ébauchées sur Minimal. Libéré de ses obligations d’instrumentiste appointé, et des contraintes liées à la reproduction d’un répertoire ne lui appartenant pas, Freddy a mis en musique ces fragiles moments d’abandon où l’esprit flotte à la surface de la réalité, avec à chaque fois un point de vue sonore différent. En mode acoustique ou électrique, avec un  banjo (Undone), une vieille Gibson datant de1957 (J45) ou un dobro (Walking in G) , il promène son imagination sur des compositions élaborées sur le bâti du blues (Trio) du folk, (Covington) ou cherchant au contraire à déconstruire cela. « Undone, ça signifie défaire les mailles du blues, du folk et du classique. Ca veut encore dire perdre la boule, être dérangé de la cervelle, et aussi avoir la braguette ouverte... » Loin de  chercher à faire  ici la démonstration de sa virtuosité technique, Freddy a cherché avant tout à se débarrasser du superflu pour ne conserver des thèmes que l’essentiel, voire leur essence. D’où cette sensation d’apesanteur à l’écoute d’un album dont chaque titre fait montre d’une renversante économie. Undone, disque capable de rallier à la fois les fans de J.J. Cale  et les amateurs d’ambient, est propice à la contemplation, idéal pour rêvasser en regardant par la fenêtre. C’est un éloge de la lenteur, un voyage intérieur vers la sérénité, une suite d’instants  volés à l’agitation du monde qui se savoure de préférence à l’écart, ou entre amis. Le meilleur antidote  à la cacophonie régnante. 

real: attitude & C.Sauvage